
Allongé dans le silence avec un bandeau sur les yeux, je ressens une anxiété grandissante. La respiration devient mon seul ancrage tandis que les nausées montent. Soudain, le rythme d’un tambour chamanique résonne et les premières visions apparaissent. Je m’embarque dans un voyage intérieur qui changera profondément ma perception de moi-même et du monde qui m’entoure.

Une expérience psychédélique encadrée scientifiquement
Venwoude, domaine boisé situé entre Amsterdam et Utrecht, accueille la Beckley Retreat, première expérience mondiale de retraite psychédélique légale utilisant la psilocybine. C’est dans ce cadre paisible aux jardins parsemés de cristaux, statues et espaces zen que je rejoins douze autres participants venus des quatre coins du monde.
Co-fondée par Amanda Feilding, surnommée la « reine de la renaissance psychédélique » par Forbes, et Neil Markey, cette retraite n’est pas une simple expérience récréative. Son encadrement impressionne : psychothérapeutes, chamans, infirmières et religieuses y collaborent pour créer un environnement de soin complet. Cette retraite est une émanation de la Beckley Foundation, organisation britannique à but non lucratif qui mène des recherches pionnières sur la thérapie psychédélique depuis trois décennies.
Contrairement aux autres centres utilisant la psilocybine qui fleurissent actuellement aux Pays-Bas, en Jamaïque ou au Costa Rica, Beckley Retreat se distingue par son ancrage scientifique solide. Elle intègre également les pratiques chamaniques et la sagesse autochtone, considérées essentielles par de nombreux experts. Cette approche globale justifie son coût élevé de 4800€ pour six jours, hors transport.
Préparation et première cérémonie
Avant même d’arriver sur place, j’ai eu accès à l’application préparatoire de Beckley et participé à plusieurs appels vidéo. Ces outils visaient à optimiser mon état d’esprit pour l’expérience à venir. Malgré cette préparation minutieuse, l’anxiété m’a accompagné jusqu’au jour J. Mon objectif était pourtant clair : surmonter un vieux traumatisme, recâbler mon cerveau et explorer de nouvelles dimensions spirituelles.
Des études cliniques ont démontré que la psilocybine peut induire une plasticité cérébrale permettant à l’esprit de développer de nouvelles perspectives et un sentiment profond de connexion. Ces promesses scientifiques me motivaient, mais l’idée de vivre des expériences intenses les yeux bandés, entouré d’inconnus, m’effrayait considérablement.
Le rituel commence chaque matin à 7h précises par une heure de yoga suivie de méditation. Les jours de cérémonie, un simple smoothie remplace le déjeuner. Lucyne, notre guide principale – psychothérapeute diplômée, praticienne chamanique et guérisseuse sonore – nous accueille entourée d’outils chamaniques traditionnels : plumes, hochets et herbes séchées.
Avant de nous administrer la substance, elle prononce ces mots rassurants : « N’oubliez pas que les champignons vous aiment et que la nature aime le courage. » On me tend alors une tasse de thé aux truffes, légèrement sucrée au miel, suivie d’une portion de truffes pures.
Ce qui se produit ensuite dépasse toutes mes appréhensions. Loin de me sentir isolé dans ma souffrance, je vis une profonde interconnexion avec les autres participants. Les cinq heures suivantes ressemblent à un accouchement spirituel : je fais face à mes peurs, je pleure, je ris, j’observe en silence. Les visions m’envahissent – lumière divine, flux sanguin symbolisant vie et mort, ossements ancestraux – tout en percevant l’interdépendance fondamentale entre tous les êtres. Les facilitateurs m’accompagnent constamment, guidant ma respiration, m’offrant leur présence rassurante.
Troisième jour : intégration
La journée d’intégration est consacrée à l’ancrage des enseignements reçus pendant l’expérience psychédélique. L’exercice central : un cercle de « libération de la honte » où chacun est invité à partager une expérience honteuse devant le groupe.
Quand vient mon tour, les mots sortent difficilement : « J’ai honte de traiter mon fils avec colère et impatience plutôt qu’avec amour, quand je sais qu’il a du mal à réguler son comportement. J’ai honte qu’il y ait eu des moments où j’ai choisi de ne pas m’en soucier parce que je ne pouvais pas me donner la peine de faire face à la souffrance et au chagrin. »
Cette confession est douloureuse mais suivie d’un sentiment libérateur d’acceptation. Nous poursuivons par un exercice de regard soutenu avec un autre participant. Initialement inconfortable, ce contact visuel prolongé déclenche une transformation inattendue : je commence à voir cet homme sous différentes facettes – enfant vulnérable, figure paternelle, reflet de mon propre fils. Une ouverture émotionnelle nouvelle s’opère en moi.
Quatrième jour : la deuxième cérémonie
Malgré l’intensité du premier voyage, j’aborde la seconde cérémonie avec détermination. La plupart des participants reçoivent une dose doublée, mais les facilitateurs, ayant remarqué ma sensibilité, n’augmentent que légèrement ma dose.
Cette expérience s’avère complètement différente de la première. Je me sens connectée à la terre, ancrée dans une énergie féminine puissante. En affrontant mes peurs les plus profondes, je découvre que ce qui m’effraie réellement, c’est la joie elle-même. Une transformation s’opère : je m’abandonne à une légèreté ludique, pleurant et chantant tour à tour dans un processus de guérison profonde.
Au dîner qui suit, les interactions entre participants ont radicalement changé. Les conversations superficielles ont disparu, remplacées par des échanges authentiques et profonds. Je me sens plus alignée avec ma véritable essence que je ne l’ai été depuis longtemps – sentiment partagé par mes compagnons de voyage.
Jours cinq et six : expression et adieu
Les derniers jours sont consacrés à l’expression et à la préparation au retour dans le monde extérieur. Ayant accédé à notre « moi supérieur », nous explorons différentes formes d’expression : danse, écriture, toucher conscient. Nous partageons ouvertement nos sentiments les uns envers les autres, créant une intimité rare entre personnes qui étaient encore des étrangers quelques jours plus tôt.
La dernière journée est empreinte d’une magie particulière mais aussi de la douleur des adieux. Le lendemain, à l’aéroport, je me surprends à sourire spontanément, percevant le potentiel extraordinaire
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